Cher ou pas cher, élever un enfant ? Semblerait qu’il y a trop de militants, de journalistes et de travailleurs sociaux qui se plaignent pour rien. C’est ce que nous révèle l’Institut Fraser dans un avis publié récemment [1]. Il tranche : Non, élever un enfant pourrait coûter aussi peu que 3 000$ par année.
Bien évidemment, cette question intéresse au plus haut point les tenants de la simplicité volontaire. J’ai souvent entendu lors des colloques du Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV) : « Élever des enfants, ça ne coûte pas si cher que ça !».
RQSV et Institut Fraser : même combat ? Loin de là. Si les affirmations des simplicitaires et celles de l’Institut Fraser semblent aller dans le même sens aujourd’hui, nous devons ici préciser que ces deux groupes ne s’adressent pas tout à fait au même public et que, plus fondamentalement, ils ne partagent pas le même rêve sociétal.
Le RQSV interpelle particulièrement la classe moyenne qui s’est développée dans les suites de la Révolution tranquille et qui commence à s’effriter depuis la première crise du pétrole (1979), la hausse des taux d’intérêt des années 1980 et de la délocalisation des emplois post ALENA 1994. La classe moyenne, c’est bien connu, dépense beaucoup trop pour des biens de consommation loin d’être toujours essentiels. Nous sommes devenus, au siècle dernier, cinq fois plus riches qu’en l’année 1900 mais sommes-nous devenus cinq fois plus heureux ? Nous nous sentons dispersés, stressés, angoissés; nous mangeons trop et devenons facilement compulsifs dans un tas d’autres domaines. Et quand un couple décide de fonder une famille, il n’est pas rare de le voir se mettre à exagérer en choix d’auto(s), en grandeur de maison, en jouets, en cours parascolaires, etc., et ce, au détriment des prochaines générations de parents.
Aussi, la simplicité volontaire vient rappeler aux jeunes parents qu’ils doivent recentrer leurs choix de vie sur l’essentiel, c’est-à-dire leurs enfants et non les modes, gadgets et fausses sécurités de tous genres.
Quant à lui, l’Institut Fraser s’adresse, particulièrement dans cet avis, à deux publics différents : il « sermonne » d’abord tous ceux et celles qui, selon eux, se trompent dans leurs estimés sur le coût pour élever un enfant.
« The social welfare community, a broad coalition of public service workers, social activists, academics, and many journalists, is active in lobbying the state for more resources for families with children »
Puis, il « encourage » les couples, même les moins fortunés, à faire des enfants. Témoignages à l’appui :
“I never went hungry or cold, and am well educated with a great career. Oh, and I grew up in a family of ten, with one working parent. Adjusted expectations are perhaps in order.”
“Many of the GTA immigrants handle child care differently. One grandparent or both look after the kids. They live together in one dwelling and save on housing costs and daycare.”
Et, finalement, la visée politique est clairement avouée :
This agenda, associated with left-liberal and social democratic positions, is part of a redistributionist perspective and it would be naive to ignore the influence it has on public policy.
“[…]Any evidence of suffering children is a powerful catalyst for public policy change. For this reason, it is important for researchers and policy makers to be particularly cautious with claims along these lines.”
Cette approche est très cohérente avec ce qu’est l’Institut Fraser :
« Une organisation à but pédagogique et de recherche internationale indépendante » qui envisage « un monde prospère et libre où les individus bénéficient d’un plus grand choix de marchés compétitifs, et de responsabilité personnelle ». Forbes a classé le think tank comme libertarien et le New York Times l’a décrit comme libertarien et conservateur. » [Wikipedia]
On le voit bien ici : le RQSV et l’Institut Fraser ne partagent vraiment pas le même rêve sociétal. Le rêve néolibéral (libertarien), c’est la loi de la jungle : les gros mangent les petits et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Le rêve des tenants de la simplicité volontaire : une société basée sur la coopération, la confiance, la solidarité.
Alors, c’est cher ou pas cher d’élever des enfants ? Tout dépend de la société dans laquelle nous choisissons de les intégrer.
Se résigner à élever des enfants dans un environnement compétitif, du chacun pour soi, de priorité aux plus forts et aux plus riches ? Oui, ça risque de coûter cher, n’en déplaise à l’Institut Fraser.
Par contre, joindre les rangs de ceux et celles – de plus en plus nombreux- qui élèvent leurs enfants au sein d’un réseau (famille, voisinage, commune, village, quartier) où la générosité, la confiance et le partage sont de mise ? Oui, je pense que ça peut être moins lourd sur les épaules des parents.
Une suggestion : Et si nous revenions à la famille élargie ? Pas seulement élargie aux liens de sang mais aussi aux voisins, aux grands-parents, mettant à contribution l’énergie des plus jeunes, remettant sur pied des garderies autogérées, et favorisant les échanges de services : salles communes, prêts d’outils, d’autos, de vélos, de livres, ouvrant des joujouthèques, faisant des assemblées de trocs, choisissant des piscines de rue ou de quartier (au lieu d’avoir chacun sa piscine dans sa cour), apprenant à travailler et à jardiner ensemble. La liste pourrait s’allonger encore… Je vous laisse y rêver.
P.S. : Et dans ce réseau auquel je souscris, on ne présume pas – comme semble le faire l’Institut- que les femmes doivent rester à la maison pour s’occuper des enfants : on se donne des mécanismes collectifs pour s’assurer que la garde des enfants devienne l’affaire de tous. Ne dit-on pas que ça prend un village tout entier pour élever un enfant?
Diane Gariépy
[1] The Cost of Raising Children, Christopher A. Sarlo, Fraser Institute
wow que dire de plus, tout ca c’est vrai. Pas toujours facile de sortir de cette spirale de consommation mais il faut prendre du recul et je crois qu’on peut y arriver. A l’époque on ne jugeait pas ceux qui vivait différemment on se questionnnait et maintenant on juge et on suit les rangs comme de petits moutons sans se questionner.
Les techniques perfides utilisées par la société de consommation pour créer des besoins artificiels, qui s’adressent aux parents mais influencent également le subconscient des enfants, font en sorte que c’est très difficile aujourd’hui de dire qu’élever un enfant peut être peu dispendieux…il faut dire aussi que beaucoup de parents se plaignent, mais ce sont eux qui tombent dans le piège de la surconsommation…