Si la bicyclette fut à ses débuts surnommée la petite reine, l’automobile a été sans conteste la grande reine du vingtième siècle, et son règne se poursuit encore aujourd’hui. Depuis plus de cinquante ans, nos villes se sont développées en fonction de celle-ci : mobilité des gens, vastes banlieues, centres commerciaux regroupés le long des grands boulevards ou des autoroutes. La voiture personnelle a permis l’étalement urbain, qui en retour a rendu celle-ci de plus en plus nécessaire.
Nous nous retrouvons aujourd’hui très dépendants du résultat de ces décennies de développement. Par exemple, la grande région de Montréal s’étire maintenant sur trois couronnes et des trajets de la maison au travail de 30, 40 et même 50 kilomètres ne sont plus rares. Bien des gens sont coincés dans leur voiture une vingtaine d’heures par semaine. Et le week-end, on remonte à bord pour faire les courses, conduire les enfants à leurs activités ou chez leurs amis et, s’il reste un peu d’énergie le soir venu, pour aller au restaurant ou au cinéma.
Cette dépendance à l’automobile a des impacts importants sur nos vies (dépenses, perte de temps, mauvaise condition physique) et sur notre environnement (pollution, émissions de gaz à effet de serre). Elle n’est cependant pas en voie de disparaître : au cours des dix dernières années, dans la grande région de Montréal, le nombre de voitures a augmenté deux fois plus vite que le nombre d’habitants. Et un véhicule neuf sur deux est un VUS ou une camionnette.
Considérant la part du transport dans les émissions de gaz à effet de serre (43% du total québécois) et la grave menace que représentent les changements climatiques, un virage important s’impose. Malheureusement, on ne peut d’un seul coup réaménager un territoire façonné pendant tant d’années par l’étalement urbain. La transition à ce niveau sera très longue. Or le temps nous presse, des actions doivent être entreprises dès maintenant pour réduire notre empreinte carbone. Plusieurs solutions existent : transport en commun et actif, covoiturage, télé-travail, économie locale… Leur mise en œuvre requiert l’engagement citoyen appuyé par une forte volonté politique.
Nous devons aussi demeurer critiques face aux solutions misant uniquement sur la technologie. Par exemple, les voitures électriques peuvent jouer un certain rôle, mais elles ne sont pas « la » solution qui nous sauvera ! Comme le souligne Serge Mongeau : Construire une auto, qu’elle soit à essence ou électrique, requiert beaucoup d’énergie, d’eau, de matières premières non renouvelables; et pour continuer à circuler en auto, il faudra construire d’autres routes, stationnements, etc. Passer de l’auto à essence à l’auto électrique n’est pas une solution; au contraire, cela retarde les vraies solutions, car les gens qui ont fait l’effort financier de s’acheter une auto électrique ont l’impression d’avoir fait leur part pour l’environnement, alors qu’il y a tellement plus et mieux à faire. Électrification des transports publics, oui! Mais non à la perpétuation de l’auto individuelle.
Pour atteindre les ambitieuses cibles de réduction de GES que préconisent les scientifiques afin d’éviter la catastrophe, nous devons assurément modérer nos transports. Revenir à des villes où ce n’est plus l’automobile qui règne, mais le citoyen. Pour cela, nous devons agir, nous faire entendre et nous impliquer afin de rendre possible cette nécessaire transition. À cet effet, une bonne occasion est offerte aux gens de Montréal. L’Office de consultation publique de la ville tient présentement une grande consultation sur les façons de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Citoyens et organismes sont invités à faire part de leurs solutions, en soumettant un mémoire ou en contribuant à la plateforme de consultation en ligne. L’automobile, telle que nous l’avons connue depuis plus d’un demi-siècle, a fait son temps. Préparons maintenant sa succession.
S.v.p. commenter sous votre vrai nom.